Face à une situation d’urgence nécessitant une intervention judiciaire rapide, la saisine du juge des référés constitue un recours précieux. Cette procédure exceptionnelle permet d’obtenir des mesures provisoires dans des délais restreints, sans préjuger du fond de l’affaire. Qu’il s’agisse de faire cesser un trouble manifestement illicite ou de prévenir un dommage imminent, le référé offre une voie procédurale efficace pour préserver les droits des justiciables. Examinons les contours de cette procédure singulière, ses conditions de mise en œuvre et son déroulement devant les juridictions.
Les fondements juridiques de la procédure de référé
La procédure de référé trouve son fondement dans le Code de procédure civile, notamment aux articles 484 à 492-1. Ces dispositions définissent les pouvoirs du juge des référés et encadrent strictement les conditions de sa saisine. Le référé s’inscrit dans une logique d’urgence et de provisoire, permettant d’obtenir rapidement une décision de justice sans pour autant trancher le litige au fond.
Le juge des référés est en principe le président de la juridiction compétente ou le juge délégué par lui. Ainsi, selon la nature du litige, il peut s’agir du président du tribunal judiciaire, du tribunal de commerce ou du conseil de prud’hommes. Son intervention est caractérisée par la rapidité et l’efficacité, répondant à des situations qui ne peuvent attendre le déroulement d’une procédure judiciaire classique.
Les ordonnances de référé présentent plusieurs caractéristiques essentielles :
- Elles sont exécutoires par provision, c’est-à-dire immédiatement applicables malgré un éventuel recours
- Elles ne sont pas revêtues de l’autorité de la chose jugée au principal
- Elles peuvent être modifiées ou rétractées en cas de circonstances nouvelles
Ces spécificités soulignent la nature provisoire des décisions rendues en référé, qui ne préjugent pas de la solution qui sera apportée au litige lors d’un examen au fond.
Les conditions de recevabilité de la saisine du juge des référés
Pour que la saisine du juge des référés soit recevable, plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies. Ces exigences visent à garantir que le recours à cette procédure exceptionnelle est justifié par les circonstances de l’espèce.
L’urgence : critère fondamental
L’urgence constitue la pierre angulaire de la procédure de référé. Elle se caractérise par la nécessité d’obtenir une décision rapide pour éviter qu’un préjudice ne se réalise ou ne s’aggrave. L’appréciation de l’urgence relève du pouvoir souverain du juge des référés, qui évalue au cas par cas si la situation justifie son intervention.
L’absence de contestation sérieuse
Le juge des référés ne peut intervenir que s’il n’existe pas de contestation sérieuse sur les droits invoqués. Cette condition vise à préserver la compétence du juge du fond pour trancher les litiges complexes nécessitant un examen approfondi des faits et du droit applicable.
Les cas d’ouverture spécifiques
Le Code de procédure civile prévoit plusieurs cas d’ouverture permettant la saisine du juge des référés :
- Le référé préventif : pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite
- Le référé provision : pour obtenir une avance sur une créance non sérieusement contestable
- Le référé probatoire : pour ordonner des mesures d’instruction avant tout procès
- Le référé injonction : pour ordonner l’exécution d’une obligation
Ces différents types de référés offrent une palette d’interventions adaptées à diverses situations d’urgence, permettant au juge d’apporter une réponse appropriée à chaque cas d’espèce.
La procédure de saisine du juge des référés
La saisine du juge des référés obéit à des règles procédurales spécifiques, conçues pour garantir la rapidité de l’intervention judiciaire tout en préservant les droits de la défense.
L’assignation en référé
La procédure débute généralement par une assignation en référé, acte par lequel le demandeur convoque son adversaire devant le juge. Cette assignation doit respecter les formalités prévues par le Code de procédure civile, notamment :
- L’indication précise des nom, prénoms et domicile du demandeur et du défendeur
- L’exposé sommaire de l’objet de la demande et des moyens
- L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée
- La date et l’heure de l’audience
L’assignation est signifiée par huissier de justice au défendeur, dans un délai suffisant pour lui permettre de préparer sa défense. En cas d’extrême urgence, le juge peut autoriser à assigner à heure indiquée, y compris les jours fériés ou chômés.
La requête en référé
Dans certains cas exceptionnels, la saisine peut s’effectuer par voie de requête. Cette procédure, non contradictoire, est réservée aux situations d’urgence absolue où même le délai d’une assignation serait préjudiciable. Le juge peut alors rendre une ordonnance sur requête sans entendre la partie adverse.
Le déroulement de l’audience
L’audience de référé se caractérise par sa célérité et son oralité. Les parties ou leurs avocats présentent oralement leurs arguments devant le juge. Celui-ci peut entendre les parties, ordonner des mesures d’instruction ou tenter une conciliation. L’audience est publique, sauf décision contraire du juge.
À l’issue de l’audience, le juge des référés rend son ordonnance. Celle-ci peut être prononcée immédiatement ou mise en délibéré pour une courte période. L’ordonnance doit être motivée et comporter l’énoncé des circonstances de fait et de droit qui ont conduit à la décision.
Les pouvoirs du juge des référés
Le juge des référés dispose de pouvoirs étendus pour répondre efficacement aux situations d’urgence qui lui sont soumises. Ces prérogatives sont néanmoins encadrées par les textes et la jurisprudence pour éviter tout empiètement sur les compétences du juge du fond.
Les mesures conservatoires et provisoires
Le juge des référés peut ordonner toutes les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Ces mesures peuvent inclure :
- La suspension de travaux
- La fermeture provisoire d’un établissement
- La saisie conservatoire de biens
- L’expulsion d’un occupant sans droit ni titre
Le caractère provisoire de ces mesures implique qu’elles peuvent être modifiées ou rétractées si les circonstances évoluent.
L’octroi de provisions
Dans le cadre du référé provision, le juge peut accorder une avance sur la créance lorsque celle-ci n’est pas sérieusement contestable. Cette mesure permet au créancier d’obtenir rapidement une partie des sommes qui lui sont dues, sans attendre l’issue d’un procès au fond.
Les mesures d’instruction
Le juge des référés peut ordonner des mesures d’instruction légalement admissibles, même en l’absence de différend. Ces mesures visent à conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Elles peuvent inclure :
- La désignation d’un expert
- L’audition de témoins
- La production de documents
Ces mesures d’instruction in futurum permettent de préserver des éléments de preuve susceptibles de disparaître avant l’engagement d’un procès au fond.
Les voies de recours contre les ordonnances de référé
Bien que rendues dans le cadre d’une procédure d’urgence, les ordonnances de référé sont susceptibles de recours. Ces voies de contestation permettent de garantir les droits de la défense et d’assurer un contrôle de la décision rendue.
L’appel
L’appel constitue la principale voie de recours contre les ordonnances de référé. Il doit être formé dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance. L’appel est porté devant la cour d’appel et suit une procédure accélérée. Il est jugé par le premier président de la cour d’appel ou son délégué, statuant en référé.
L’appel n’a pas d’effet suspensif, ce qui signifie que l’ordonnance de référé continue à produire ses effets pendant la procédure d’appel. Toutefois, le premier président peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de l’ordonnance si celle-ci risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
L’opposition
L’opposition est ouverte uniquement contre les ordonnances rendues par défaut, c’est-à-dire en l’absence du défendeur. Elle permet à la partie qui n’a pas comparu de demander au juge des référés de réexaminer l’affaire. L’opposition doit être formée dans les 15 jours suivant la signification de l’ordonnance.
Le pourvoi en cassation
Le pourvoi en cassation est possible contre les ordonnances de référé, mais uniquement pour violation de la loi. Il doit être formé dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance. Le pourvoi en cassation n’a pas d’effet suspensif, sauf si la Cour de cassation en décide autrement.
La rétractation
La rétractation permet de demander au juge des référés de revenir sur sa décision en cas de circonstances nouvelles. Cette voie de recours est particulièrement adaptée à la nature provisoire des ordonnances de référé et permet leur adaptation à l’évolution de la situation.
Ces différentes voies de recours assurent un équilibre entre la nécessité d’une justice rapide et efficace et le respect des droits de la défense. Elles permettent un contrôle des décisions rendues en référé tout en préservant la spécificité de cette procédure d’urgence.
L’exécution des ordonnances de référé : entre efficacité et précarité
L’exécution des ordonnances de référé présente des caractéristiques particulières, reflétant la nature spécifique de cette procédure d’urgence. Elle se situe à la croisée de l’efficacité recherchée et de la précarité inhérente aux mesures provisoires.
L’exécution provisoire de plein droit
Les ordonnances de référé bénéficient de l’exécution provisoire de plein droit. Cela signifie qu’elles sont immédiatement exécutoires, nonobstant l’exercice des voies de recours. Cette caractéristique est essentielle pour garantir l’efficacité de la procédure de référé, permettant une réponse rapide aux situations d’urgence.
L’exécution provisoire peut être mise en œuvre dès la signification de l’ordonnance, sans attendre l’expiration du délai d’appel. Elle permet au bénéficiaire de la décision d’obtenir satisfaction rapidement, sous sa responsabilité en cas d’infirmation ultérieure de l’ordonnance.
Les limites à l’exécution provisoire
Bien que l’exécution provisoire soit la règle, elle connaît certaines limites :
- Le juge des référés peut, à titre exceptionnel, décider de l’écarter s’il estime qu’elle risquerait d’entraîner des conséquences manifestement excessives
- Le premier président de la cour d’appel peut, en cas d’appel, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de l’ordonnance
Ces mécanismes visent à prévenir les situations où l’exécution immédiate de l’ordonnance pourrait causer un préjudice irréparable à la partie condamnée.
La précarité des mesures ordonnées
Les mesures ordonnées en référé sont par nature provisoires. Elles ne bénéficient pas de l’autorité de la chose jugée au principal et peuvent être remises en cause par le juge du fond. Cette précarité se manifeste de plusieurs manières :
- Les mesures peuvent être modifiées ou rétractées en cas de circonstances nouvelles
- Elles cessent de produire effet lorsque le juge du fond statue sur le litige
- En cas d’infirmation de l’ordonnance en appel, les mesures exécutées doivent être remises en cause
Cette précarité rappelle que le référé n’a pas vocation à régler définitivement le litige, mais à apporter une réponse rapide à une situation d’urgence.
Les conséquences de l’exécution en cas d’infirmation
L’exécution d’une ordonnance de référé ultérieurement infirmée peut engager la responsabilité de celui qui l’a poursuivie. Le Code de procédure civile prévoit que l’exécution provisoire est poursuivie aux risques et périls de celui qui l’a requise.
En cas d’infirmation, la partie qui a bénéficié de l’exécution provisoire peut être condamnée :
- À restituer ce qu’elle a reçu en exécution de la décision infirmée
- À réparer le préjudice causé par cette exécution
Ces dispositions visent à équilibrer les intérêts en présence, en permettant une exécution rapide des décisions de justice tout en protégeant les droits de la partie qui pourrait obtenir gain de cause en appel.
L’exécution des ordonnances de référé illustre ainsi le délicat équilibre recherché par cette procédure entre l’efficacité de la réponse judiciaire et le respect des droits de chaque partie. Elle souligne la spécificité du référé comme instrument de protection provisoire des droits, distinct de la procédure au fond.